INTRODUCTION
Pendant longtemps, aimer signifiait s’allier. Aujourd’hui, aimer signifie se réaliser. Dans Sapiens, Yuval Noah Harari montre comment l’humain moderne a cessé de chercher sécurité et statut pour rechercher des expériences émotionnelles intenses.
Nous avons déplacé la quête de sens vers l’intime, et le couple est devenu un espace où l’on doit ressentir plus : plus de désir, plus d’amour, plus d’intensité.
Cette mutation culturelle n’est pas neutre. Elle transforme l’amour en objectif, le romantisme en standard, et la sexualité en indicateur de réussite.
LE COUPLE N’EST PLUS UNE STRUCTURE : C’EST UN PROJET ÉMOTIONNEL
Passé une ou plusieurs décennies ensemble :
- On ne “fait plus un couple”, on incarne une expérience
- On ne vit plus l’amour, on le performe
- La question n’est plus “sommes-nous bien ensemble ?” mais “sommes-nous assez ?”
Les couples consultent moins parce qu’ils sont en crise… et davantage parce qu’ils ne correspondent pas à l’image attendue du bonheur amoureux.
LE ROMANTISME, CETTE IDÉOLOGIE QUI NOUS MET EN ÉCHEC
Le romantisme moderne promet que :
- la bonne personne changera tout,
- le désir sera toujours présent,
- l’amour suffira.
Mais il impose en creux trois injonctions toxiques :
- Être heureux à deux tout le temps
- Désirer comme au premier jour
- Ne jamais s’ennuyer
Or, la réalité intime est faite de fluctuations, de doutes, d’ajustements.
L’amour n’est pas une performance, c’est une pratique.
QUAND L’EXPÉRIENCE REMPLACE LA PRÉSENCE
Dans ma pratique, j’observe :
- des couples qui cochent toutes les cases mais ne se touchent plus
- des amants convaincus de manquer d’envie alors qu’ils manquent de liens
- des femmes persuadées d’être “anormales” parce qu’elles ne ressente plus de libido
- des partenaires frustrés de ne pouvoir ouvrir leur couple sans se poser la question « pourquoi? »
Nous confondons expérience et intimité.
L’expérience excite / L’intimité construit.
L’expérience consomme / L’intimité nourrit.
L’ILLUSION DE L’OUVERTURE DU COUPLE : UNE RÉPONSE OU UNE FUITE ?
Dans ce contexte, l’ouverture du couple devient pour certains la solution miracle. Non pas comme un choix réfléchi, aligné, co-construit, mais comme une réponse consumériste : “Puisque je ne ressens plus rien ici, je vais ressentir ailleurs.” Ce glissement est dangereux, car il repose sur une confusion : ouvrir son couple n’est pas seulement ouvrir une porte,c’est ouvrir un système.
Cela implique :
- une autre relation ou une autre habitude affective
- du temps et de l’investissemnt
- de l’attention émotionnelle
- des ressources psychiques
- parfois de l’argent
- et une réorganisation des priorités
Au détriment de quoi ? De qui ?
➡️ de soi-même, lorsque l’on s’y perd
➡️ de l’autre, qui n’a pas choisi les mêmes risques
➡️ du couple, qui perd sa fonction de refuge
➡️ de la famille, qui absorbe toujours les secousses
Le désir d’explorer ne protège pas du prix à payer.
La question n’est donc pas : faut-il ouvrir son couple ?
mais : pourquoi l’ouvrir ? Cherchons-nous la liberté ? Que cherchons-nous à fuir?
COMMENT SORTIR DE L’INJONCTION ROMANTIQUE ?
4 pistes de transformation
✔ Revenir au lien, pas à la preuve
✔ Passer du fantasme de performance au plaisir de présence
✔ Explorer son désir réel, pas celui attendu
✔ Redéfinir sa sexualité : non pas comme un KPI, mais avec du sens
CONCLUSION
Notre époque nous a donné un romantisme magnifique, ambitieux et libre. Mais elle en a fait un absolu qui nous éloigne de l’essentiel : la rencontre. L’amour n’est pas une expérience à collectionner.
Il est une construction, une écoute, un choix répété. Il n’a pas besoin d’être sensationnel.
Il doit seulement être habité.
